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Site officiel de la commune de Châteauneuf en Savoie 73390

Les Dérouts1 en 1858 : "tournant" dans l'histoire de Châteauneuf !

Depuis l'Isère accéder à l'église et rejoindre Maltaverne est simple et commode aujourd'hui, sauf par intempéries ou à vélo !
Ce ne fut pas toujours le cas. Ses quatre lacets ont été dessinés récemment.

• Avant :

Avant 1858 les communications, les échanges commerciaux s'effectuaient principalement par la Route Royale D2042. Les relations avec la rive droite de l'Isère en direction de St-Pierre d'Albigny, Saint Jean de la Porte et des Bauges étaient peu développées. Les deux ponts existants alors se trouvaient à Montmélian et Albertville. Une traversée malaisée nécessitait d'emprunter d'un bac. Le lit de l'Isère non domptée était impraticable, « tressé » d'îles. Il comprenait brassières et biales qui se déplaçaient au gré des crues, fréquentes au 18 et 19ème siècles.

On descendait principalement dans la plaine pour cultiver les communaux. On appelait ainsi des champs attribués par tirage au sort aux chefs de famille. Les « communiers » exploitaient les sols moyennant l'acensement3. Ces sols enrichis par les limons étaient dignes d'intérêt. On y cultivait le chanvre, le blé de Turquie (maïs), ou entretenait l'épine-vinette et la blâche (« la culture des paresseux ! »). Cette blâche très prisée et d'un bon rapport était utilisée comme litière, voire comme nourriture pour les bêtes. Elle intéressait fortement les vignerons de St-Pierre et de St-Jean de la Porte qui l'utilisaient comme amendement pour enrichir les vignobles. Les plus hautes crues malheureusement causaient des dégâts et ruinaient les cultures. Elles redessinaient les îles. Il en découlait querelles, contestations et procès entre communes : des confrontations entre gayots ! En effet, les surfaces des parcelles variaient. La commune de Châteauneuf y louait 49 journaux sur les 74 qu'elle détenait. C'était alors sa principale source de revenus.

• L'ancien itinéraire :

Depuis le village de l'Eglise, il fallait descendre le chemin de Lenterey. Le chemin existe toujours. Il quitte la route actuelle à droite devant la butte de l'ancien château (une motte castrale). Plus bas, un chemin à gauche permettait de contourner la butte et de rejoindre les îles et l'Isère. Un embarcadère et son bac assuraient la liaison avec St-Pierre d'Albigny. Durant la période révolutionnaire, en l'an II (1794), ce passage obligé valut à la commune d'être momentanément rebaptisée « Le Bac ».

En 1814 le chemin s'appelle toujours « chemin du bac ». Il est alors surtout emprunté à la fin d'été pour le transport de la blâche en provenance du Betton notamment. Il servait également à l'occasion des foires et marchés. En 1834, son mauvais état à hauteur du bassin de Lenterey (1827) est attesté dans une lettre de doléances adressée au syndic par le brigadier de la garnison royale de Châteauneuf. Le commerce des blâches nous renseigne sur la faible fertilité des sols, la nécessité des échanges à faible valeur ajoutée, et sur le peu de bétail possédé localement.

Un autre bac existait ou avait existé, situé à hauteur des Boissons (ou peut-être Chante-Grue où se trouvait un moulin sur le Gelon) en liaison avec le hameau de Pau. Cet accès permit notamment le transport du minerai des Hurtières à destination des moines des Bauges et au-delà via les cols du Fresne et de la Sciaz (1635 - 1836).

La mappe sarde, cadastre de 1732, mentionne l'existence de ces deux bacs mais seulement sur la rive droite ce qui autorise plusieurs hypothèses…

• L'(en)diguement4 - 1829-1856 :

Ce travail titanesque de canalisation du cours de l'Isère eut des conséquences considérables sur la vie des villageois de la Combe de Savoie. Il neutralisa momentanément des surfaces cultivables louées aux plus nécessiteux. Certaines au fil des travaux se situeront ensuite sur la rive gauche de l'Isère. Elles imposaient jusqu'à 3 heures de déplacement (Archives Municipales). La durée des travaux, les crues survenues pendant leur déroulement, les déplacements de travailleurs, les maladies liées aux marais, les impôts levés pour les financer engendrèrent un mécontentement généralisé. La mise en eau du nouveau chenal de Grésy à Châteauneuf intervint en 1853.

• Le procès (1856/57) :

Sur Châteauneuf, un inconvénient supplémentaire survint lors des travaux. Le tracé du chemin de fer Victor-Emmanuel sous la colline des Dérouts modifia le tracé et la largeur du passage existant entre voie ferrée et mur de soutènement (1,25m !). Il devenait impraticable avec une charrette. C'était incompatible avec l'accord initial conclu entre la Compagnie5 et la commune. Au cours d'un procès et de son appel la municipalité argumenta. Elle mit aussi en avant l'intérêt d'accéder à l'ex-gare de St-Pierre d'Albigny située au pied des Dérouts et au pont routier de bois (1852) qui la desservait. Finalement un dédommagement de 8 000 livres fut payé par la Compagnie.

• Le nouveau tracé :

L'argent reçu servit à créer la route actuelle. Un dénivelé de 100 mètres à franchir, quatre lacets d'une déclivité variant de 2 et 8% donnèrent lieu à un premier projet. Celui-ci fut corrigé par l'ingénieur de la DDE de l'époque qui objecta de conserver l'accès à l'ancien chemin du bac et au bassin de Lenterey. C'était affirmer la possibilité d'abreuver le bétail lorsque l'eau viendrait à manquer sur le plateau. Ce tracé fut une belle performance car il s'agissait de creuser dans un sol instable : une moraine de sable.

• De 1858 à aujourd'hui :

L'ancienne voie royale principale - D204 - fut déclassée dès 1858. L'intérêt suscité par la nouvelle D202 a restructuré les échanges au point d'inverser les flux de circulation dans le chef-lieu. Des travaux d'élargissement, de déplacement des tracés s'imposèrent. Ils ont durablement modifié les hameaux de l'Eglise et de Maltaverne occasionnant des destructions. Seuls les souvenirs, les archives et les vieux cadastres conservent cette mémoire. Ils sont le reflet d'une période, d'une organisation et de contraintes différentes. Qui contesterait qu'aujourd'hui aller au (super)marché et remonter les Dérouts est chose aisée !

• Remarques et précisions :

En 1859, une crue mémorable6 embarqua la plateforme ferroviaire. Cela décida la compagnie ferroviaire à proposer un tracé moins audacieux. Celui-ci délaissa la rive gauche de l'Isère et le Pont des Anglais7. Plus coûteux le nouvel itinéraire est toujours en service. Il autorise la bifurcation d'Albertville. La construction de l'A43 et de son échangeur n°23 ont définitivement gommé la plate-forme ferroviaire et le chemin d'accès au bac au pied des Dérouts. Le pont de bois de 1852 qui menait à l'ancienne gare (côté gauche, au bas des Dérouts) fut reconstruit en béton et fer en 1862. Il a été remplacé et déplacé en 1991 (A43). Un indice subsiste : au pied des Dérouts on aperçoit la murette du tracé originel. Des personnes âgées de Châteauneuf se souviennent du sentier qui coupait les lacets et permettait de gagner du temps à la descente, mais aussi du petit bassin (un trou d'eau à gauche dans la côte) qui permettait de souffler et d'abreuver les bœufs. L'instant d'une pause. Leurs mémoires évoquent aussi les cultures, celle de la vigne notamment.Dans l'été 19948 eurent lieu les derniers travaux importants de confortement : ré-ancrage, utilisation d'un remblai à base de pneus et de machefer, pose d'un géotextile, projection de béton.

Sources :

  • Archives municipales,
  • La communauté de Chateauneuf :Jacques Balmain,
  • Les vallées de l'Isère et de l'Arc Girel/Marnezy,
  • Le diguement de l'Isère dans la Combe de Savoie : François Gex,
  • L'endiguement de l'Isère et de l'Arc : Maurice Clément,
  • La Combe de Savoie Autrefois : Maurice Messiez,
  • Google et Wikipédia avec circonspection !

Notes :

1 - Dérouts, du latin deruptus : fortement incliné, en pente, ou deruere : faire tomber, précipiter.
2 - Bull Municipal de 2012
3 - Sorte de loyer, principale ressource financière communale
4 - A l'époque on parlait de diguement
5 - Sté anglaise adjudicataire « Jackson, Brassey et Henfrey »
6 - Crue centenale devenue de référence
7 - Communes de Cruet-Planaise
8 - Fin des travaux oct 1994. Utilisation de la technologie Textomur, coût équivalent à 565 000€ (Mémoire de Sylvain Pajean).

MG - janv. 2013

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