L'Ancienne Poste et son clocheton
Il s'agit d'un bâtiment situé rue Jacques Balmain au chef lieu de Châteauneuf en retrait de la D202, aujourd'hui réhabilité en logements OPAC.
Retour en 1922
Par un courrier en date du 20 avril, retrouvé aux archives, le Directeur des « Postes, Télégraphe et Téléphone » de Savoie fait état de la visite du bureau de poste de Châteauneuf accompagné par le Maire Sulpice. Une lettre similaire sera adressée au Conseil Général. Une liste dressée des dysfonctionnements du bâtiment et des travaux nécessaires pour rétablir la salubrité des locaux. Elle est éloquente. Elle fait état de la présence d'humidité, la nécessité de pratiquer des aérations, de créer un double-plancher, de pourvoir à l'installation d'un poêle dans le bureau, et « de blanchir les différentes pièces ». Les travaux sont dits urgents, d'une nécessité incontestable. Ils reçoivent l'assentiment de M le Maire. Celui-ci promet de présenter le projet à son Conseil pour délibération.
Parallèlement existe le projet de la construction d'un clocheton d'horloge
L'idée de sa construction devait être en gestation depuis quelques temps puisque nous sommes en présence d'un plan établi à Chambéry en date du 23 octobre 1921. Nous en prenons connaissance par une lettre dactylographiée datée du 18 mai 1922, de Mme Félicité Chaumontel, vve de Joseph Balmain. Elle expose sa requête auprès de M. le maire : il s'agit de faire édifier un clocheton d'horloge au-dessus du bâtiment des Postes de Châteauneuf.
Les deux devis sont archivés
• Le premier provient de l'architecte Amédée Bugnard, domicilé à Albertville. Il décrit les travaux de modernisation du local postal. Sont établis devis et cahier des charges. Son courrier en date du 3 juin 1922 évalue les travaux à 2 583,97 fr.
• C'est l'architecte Victor Denarié de Chambéry qui rédige le second devis. Il s'élève à 3 000 fr. Il correspond à la charpente destinée à accueillir l'horloge.
La décision
Le 11 juin 1922 à 15 heures se tient le Conseil. La séance à lieu un dimanche, jour courant de réunion à cette époque. Le maire Sulpice expose la proposition de Mme Félicité Chaumontel qui souhaite concourir à la construction du clocheton de manière à ce que la dépense de la commune soit de 2 500 fr. maximum, même si les dépenses évaluées s'avéraient supérieures au devis initial (« quelque soit le surplus de la dépense »). Il est précisé que Mme Chaumontel fournira également l'horloge. La délibération est votée par les 9 élus présents. Comme réglementaire il est demandé l'accord du préfet, et l'inscription des 2 500 fr. au budget additionnel de 1922. Le préfet approuvera l'opération par un courrier du 1er août 1922.
Parallèlement le Conseil municipal demande le 11 juin une subvention pour la réfection du bureau de Poste. Il recevra du Fonds des amendes (via M. le Préfet de Savoie) la somme de 800 fr. le 28 juin 1922.
Collomb Noël, charpentier à Chambéry s'engage à réaliser le clocheton d'horloge (lettre du 26 août 1922).
Les travaux sont acceptés au prix estimé par l'entrepreneur Capietto Martin de Chamoux le 27 août 1922. Mandaté par Mme Vve Balmain il établira une facture de 2 500 fr. à l'adresse de la commune de Châteauneuf.
La date de la réception des travaux n'est pas précisée. L'horloge était-elle en service pour le 11 novembre 1922 ? Elle marqua désormais les heures en souvenir de Jacques Balmain qui devait manquer cruellement à sa mère cinq ans après, ainsi qu'à la petite communauté de Châteauneuf.
Qui était Jacques Balmain ? (1883-1917)
Né à Annecy le 7 août 1883, bachelier en 1901, il obtint une licence en Droit en 1906 et soutint une thèse dont le sujet était « Les franchises et la Communauté d'Aiton » (1910).
En 1912 il rédigea un autre ouvrage que nous connaissons mieux : « La communauté de Châteauneuf en Savoie » qui retrace sous différents aspects 150 ans de notre histoire locale.
Des ouvrages originaux pour l'époque quant à la façon d'appréhender l'Histoire qui lui valurent éloges et récompenses par ses pairs. Il publiera ensuite deux biographies.
Avocat au barreau de Chambéry dès 1906, il participa à la vie publique de la commune dont il deviendra maire (), puis conseiller général du canton de Chamoux entre 1910 et 1913.
Mobilisé dans les Vosges lors du 1er conflit mondial (13ème BCA) sa tombe indique qu'il mourut à Sentheine* en Alsace le 28 janvier 1917 des suites de ses blessures. Il avait 33 ans.
C'est en sa mémoire que le Conseil Municipal de Châteauneuf a proposé de donner son nom à la petite rue qui dessert l'ex maison familiale.
Actuellement, l'horloge du clocheton ne dit plus l'heure.
Peut-être pourrait-elle reprendre du service ? Un devis existe en mairie...
Gageons que demain lorsque vous chercherez des yeux l'horloge de la vieille Poste, elle vous évoquera l'homme, le soldat, l'un de cette génération fauchée avec ses rêves et ses promesses. C'était il y a tout juste 100 ans.
*En fait il s'agit en fait de Sentheim (près de Mulhouse), village libéré dès le 14 octobre 1914 et de façon définitive, situé à 6 km du front, où Jacques Balmain a été évacué. Sa fiche porte la mention "Mort à l'ambulance".
Sources :
• Archives municipales de Châteauneuf,
• Histoire en Savoie n°128,
• Historique du 13ème BCA 14-18,
• Ministère de la Défense - Mémoire des Hommes
MG - janv. 2017